Frère Roger, de Taizé,

 

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Parmi les jeunes générations à travers le monde, nombreux sont ceux qui s'interrogent et se demandent : existe-t-il une espérance pour notre futur ? Comment passer des inquiétudes à la confiance ? Nos sociétés sont parfois si ébranlées. Il y a l'avenir incertain de l'humanité, avec la pauvreté en continuel accroissement. Il y a la souffrance de nombreux enfants, et tant de ruptures qui blessent les cœurs.

Et pourtant, ne voyons-nous pas surgir, jusque dans les situations du monde les plus troublées, les signes d'un indéniables espoir ? Pour aller de l'avant, il est bon de le savoir : l'Evangile porte en lui une si belle espérance que nous pouvons y trouver une joie de l'âme. Cette espérance est comme une trouée de lumière qui s'ouvre en nos profondeurs. Sans elle, le goût de vivre pourrait s'éteindre. La source de cette espérance est en Dieu, qui ne peut qu'aimer et qui nous cherche inlassablement.

L'espérance se renouvelle quand nous nous confions tout humblement à Dieu. Il est une force intérieure qui nous habite et qui est la même pour tous. Cette force s'appelle l'Esprit-Saint. Il murmure en nos cœurs : « Abandonne-toi à Dieu en toute simplicité, ton peu de foi y suffit. »

Et qui est-il, cet Esprit-Saint ? Il est celui dont Jésus le Christ a promis dans son Evangile : « Je ne vous laisserai jamais seuls, par l'Esprit-Saint je serai toujours avec vous, il sera pour vous un soutien et un consolateur. » Même quand nous pensons être seuls, l'Esprit-Saint est là. Sa présence est invisible, pourtant elle ne nous quitte pas. Et peu à peu, nous comprenons que, dans une vie humaine, le plus essentiel est d'aimer dans la confiance.
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La confiance est une des réalités les plus humbles et les plus simples qui soit, et en même temps l'une des plus fondamentales. En aimant dans la confiance, nous parvenons à rendre heureux nos proches, et nous demeurons en communion avec ceux qui nous ont précédés et nous attendent dans l'éternité de Dieu. Quand surviennent pour certains des périodes de doute, rappelons-nous que les doutes et la confiance, comme ombres et lumières, peuvent coexister dans nos vies. Nous voudrions surtout retenir les apaisantes paroles du Christ : « N'ayez pas peur, que votre cœur ne se trouble pas. » Alors il apparaît que la foi n'est pas l'aboutissement d'un effort, elle est un don de Dieu : c'est Dieu qui nous donne jour après jour d'avancer dans nos hésitations vers la confiance en lui. Dieu ne peut qu'aimer, et sa compassion est une source. Vienne le jour où nous pourrons dire : « Dieu de miséricorde, même si nous avions la foi jusqu'à transporter les montagnes, sans ton amour, que serions-nous ? Oui, ton amour pour chacun demeure à jamais. »

L'un des visages les plus clairs de l'amour de Dieu est le pardon. Quand nous pardonnons nous aussi, notre vie change peu à peu. Trouvant dans le pardon une joie toute légère, nous voyons se dissiper les sévérités envers les autres, il est essentiel qu'elles fassent place à une infinie bonté. Déjà avant le Christ, un croyant exprimait cet appel : « Quitte ta tristesse, laisse Dieu te conduire vers une joie." Cette joie guérit la blessure secrète de l'âme. Elle est dans la transparence d'un amour paisible. Elle n'a pas trop de tout notre être pour éclater.

Ils sont nombreux aujourd'hui ceux qui aspirent à vivre un temps de confiance et d'espérance. Il peut y avoir dans l'être humain des pulsions de violence. Pour que se lève une confiance sur la terre, c'est en soi-même qu'il importe de commencer : cheminer avec un cœur réconcilié, vivre en paix avec ceux qui nous entourent. Une paix sur la terre se prépare dans la mesure où chacun de nous ose s'interroger : suis-je disposé à chercher une paix intérieure, prêt à avancer avec désintéressement ? Même démuni, puis-je être ferment de confiance là où je vis, avec une compréhension pour les autres qui s'élargira toujours davantage ?
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Nous tenant en présence de Dieu dans une attente sereine, ouvrirons-nous des voies d'apaisement là où surgissent des oppositions ? Quand des jeunes prennent dans leur propre vie une résolution pour la paix, ils portent une espérance qui éclaire au loin, toujours plus loin. En cette période de l'histoire, l'Evangile nous invite à aimer et à le dire par notre existence. C'est notre vie qui, avant tout, rend crédible la foi autour de nous. Cela est vrai aussi dans le mystère de communion qu'est le Corps du Christ, son Eglise. Une crédibilité souvent perdue peut renaître quand l'Eglise vit la confiance, le pardon, la compassion, et qu'elle accueille dans la joie et dans la simplicité. Alors elle parvient à transmettre une espérance vivante.

Quand notre prière personnelle semble pauvre et nos paroles maladroites, ne nous arrêtons pas en chemin. Un des désirs profonds de notre âme n'est-il pas de réaliser une communion avec Dieu ? Trois siècles après le Christ, un croyant africain du nom d'Augustin écrivait : « Un désir qui appelle Dieu est déjà une prière. Si tu veux prier sans cesse, ne cesse jamais de désirer. » Une grand simplicité de cœur soutient une prière contemplative. La simplicité est source d'une joie. Elle donne de s'abandonner à Dieu, de se laisser porter vers lui.

Dans une telle vie de communion, Dieu, qui demeure invisible, ne nous tient pas forcément un langage en paroles humaines. Il nous parle surtout par des intuitions silencieuses. Le silence, dans la prière, n'a l'air de rien. Et pourtant, dans ce silence, l'Esprit-Saint peut nous donner d'accueillir la joie de Dieu, elle vient toucher le fond de l'âme. Dans une simple prière, beaucoup comprennent un jour que Dieu leur adresse un appel. Dieu attend que nous nous préparions à devenir porteurs de joie et de paix. L'écouterons-nous quand en nous résonnent ses paroles : « Ne t'arrête pas, va de l'avant, que ton âme vive ! » Alors il nous arrive de réaliser que nous sommes créés pour avancer vers un infini, un absolu. Et peut survenir cette découverte : c'est parfois dans des situations exigeantes que l'être humain devient pleinement soi-même.

Soutenus les uns par les autres, ne nous laissant pas arrêter par les obstacles, et sachant retrouver le courage d'aller de l'avant, nous saisissons qu'il y a une joie du cœur, et même un bonheur, pour qui répond à l'appel de Dieu. Oui, Dieu nous veut heureux. Et surgit l'inespéré. Les longues nuits à peine éclairées sont franchies. Même suivre parfois des chemins d'obscurité, loin de nous affaiblir, peut nous construire intérieurement. Ce qui nous parle, c'est d'aller de découverte en découverte. Accueillir le jour qui vient comme un aujourd'hui de Dieu. Chercher en tout la paix du cœur. Et la vie devient belle… et la vie sera belle.

Frère ROGER